A - Chapitre 12

Publié le par Gabrielle

A - Chapitre 12

Chapitre 12 : Plus irréel, tu meurs...

Jacob regarda la porte qui se dressait devant lui. Elle était d'une taille totalement normale pour un porte, et pourtant, elle lui semblait immense. Il lui semblait qu'à la seconde où il allait la pousser, quelque chose de soit terrible, soit magnifique allait se produire. Ce qui n'était pas forcément totalement faux en soi. Il leva les yeux au ciel, et prit une grande inspiration. Il posa sa main sur la lourde poignée en bois et la poussa lentement, très lentement. Et, alors que la porte allait enfin s'ouvrir, il la referma d'un coup sec. Cette peur insurmontable le reprenait à la gorge, et c'était comme s'il ne parviendrait jamais à en faire abstraction.
Sentant son appréhension, Jess lui prit doucement la main. Le jeune homme tourna les yeux vers elle et elle lui sourit le plus naturellement du monde. Le cœur de Jacob qui jusque là battait bien trop vite reprit un rythme à peu près normal. La sentir près de lui le rassurait. Elle était comme une sorte de bouclier avec lequel il pourrait se défendre dans les épreuves les plus difficiles de sa vie.
Jacob poussa alors la porte, frontière entre son passé et son présent. Et, sans un regard en arrière, il avança, Jess à sa suite. Puis la porte se referma.

***

Paul contempla la porte qui se dressait devant lui. Il lui semblait qu'au moment où il l'ouvrirait, toutes ses certitudes s'effondreraient. Il avait longtemps tergiversé avant de venir la voir. Et maintenant qu'il y était, il se sentait un peu idiot, et se dit qu'il avait peut-être fait le mauvais choix finalement. Cela faisait maintenant cinq bonnes minutes qu'il restait là, posant et enlevant ses doigts hésitants de la poignée de cette porte blanche. Il ne comprenait d'ailleurs même pas pourquoi il se sentait si mal. Après tout, il venait simplement voir Margaux à l'hôpital. Ce n'était pas la première fois qu'il le faisait. Alors pourquoi se sentait-il si perdu à l'idée de se retrouver face à elle ? Certes, il ne la voyait plus du tout comme avant au vu des derniers évènements et de ce qui s'était produit la dernière fois qu'il avait vu la jeune fille. Il voyait désormais un peu de fragilité sous sa carapace de fer, mais ce n'était pas pour lui déplaire. Il appréciait la Margaux faible qu'il avait très rarement l'occasion de croiser. Lorsque l'adolescente était ainsi, il se sentait utile auprès d'elle, et il savait qu'il parvenait ne serait-ce qu'un peu à l'aider à aller mieux quand il était auprès d'elle. C'était d'ailleurs dans l'optique de l'aider qu'il était là aujourd'hui. Il voyait qu'elle allait mal, et voulait vraiment qu'elle puisse partager le poids de sa solitude avec lui. Car après tout, Paul savait plus que quiconque qu'affronter les graves problèmes seuls pouvait se révéler très difficile. Il fallait qu'il l'aide. Car, au delà des moqueries et des piques qu'il lançait sans arrêt à Margaux, Paul devait reconnaître qu'il n'aimait pas la voir mal. Il commençait peu à peu à tenir à elle comme à une amie. Et les amis sont censés s'aider entre eux, n'est-ce pas ?
Alors, il prit une grande respiration et entra dans la chambre de Margaux.

***

Rien. Il ne se passa absolument rien. Les objets et les meubles qui entouraient Jacob lui semblaient familiers et inconnus à la fois. A chaque pas, il pensait reconnaître des choses, des souvenirs semblaient remonter à la surface, mais il retournaient aussitôt dans les ténèbres de l'oubli. Il contemplait toutes ces choses autour de lui comme s'il elles étaient les plus belles choses qu'il eût jamais vues, mais les plus étranges aussi. Il tentait de s'imaginer dans cette jolie petite maison avec des parents, mais il n'y parvenait pas vraiment. L'âme de la maison semblait l'avoir désertée depuis longtemps. Tout était en ordre, mais une mince particule de poussière recouvrait le sol et les meubles. Les bibelot étaient comme ternis par le temps passé dans cette demeure fantôme. On aurait dit que chaque centimètre carré de chaque pièce avait été minutieusement recouvert d'un voile de tristesse qui empêchait la lumière de passer. Aucun bruit n'osait venir briser le silence irréel qui régnait dans cet étrange salon. Même le bruit des pas de Jacob et Jess semblait étouffé par ce silence pesant. Les adolescents balayaient la pièce du regard, comme s'ils étaient dans le rêve le plus étrange qu'il aient jamais fait. Jess attendait patiemment une quelconque réaction de la part de Jacob, mais le jeune homme restait silencieux, et ses yeux se vidaient un peu plus à chaque seconde. Jess sentait que cette visite ne se passait pas comme prévu, mais elle n'osait rien dire de peur de brusquer son ami.
Ainsi, à mesure que le temps s'écoulait, la jeune femme se sentait de plus en plus mal à l'aise. Tout ici était déprimant et triste. Comme si les objets présents étaient encore en deuil. Remarquant que Jacob semblait épuisé par cette expérience, elle le tira vers le sofa en velours rouge qui trônait au coin de la pièce et tous deux s'y assirent.
_ Merci, souffla Jacob, reconnaissant envers la jeune femme.
_ De rien, répondit Jess. Ici, c'est vraiment irréel ici. Oui, comme le dirait Margaux, "Plus irréel tu meurs".
Un petit silence se réinstalla, et Jacob finit par dire d'un ton désemparé :
_ Je ne me souviens de rien Jess. C'est terrible, aucun souvenir ne vient, peu importe combien j'essaie. Tout me semble étranger, et pourtant c'est ici que j'ai passé mon enfance. Je me sens tellement coupable. J'ai vécu ici avec mes parents, et je ne me souviens même pas d'eux. Ils sont morts, et je suis le seul qui puisse savoir comment, pourtant je n'y arrive pas. J'ai entre mes mains la clef qui leur permettrait de rester en paix pour toujours, mais c'est comme si je ne parvenais pas à desserrer les doigts pour la leur donner et les laisser partir.
En entendant ces paroles, Jess ne sut pas vraiment quoi répondre. Bien sûr, elle pouvait lui dire que ce n'était pas de sa faute et que tout allait s'arranger, mais ç'aurait été lui mentir. Elle savait parfaitement que tant que Jacob ne serait pas parvenu à se souvenir, il ne pourrait pas tourner définitivement la page. Alors elle ne répondit pas, mais le regarda droit dans les yeux et serra très fort sa main dans la sienne. Les actes étaient décidément plus réconfortants que les mots, car ce geste arracha un mince sourire à Jacob. Ses yeux étaient toujours embués de larmes, mais le fait que Jess soit à ses côtés l'aidait. Il devait réessayer, persévérer, et il finirait par trouver, c'était sûr.
Jess contempla une petite boîte à musique posée sur la commode à côté d'elle. Et, sans réfléchir, elle tourna la molette qui se trouvait à l'arrière de celle ci. Il s'en échappa alors une douce et lente mélodie au goût d'enfance joyeuse. Jacob ferma les yeux en l'entendant et posa sa tête sur l'un des coussins du sofa. Il prit une grande goulée d'air et la recracha très lentement.
Il lui sembla que la petite mélodie avait duré des heures lorsqu'elle finit par s'arrêter. Cette musique l'avait curieusement profondément apaisé. Il se leva alors très doucement, et son regard se fixa sur un épais livre à la couverture vert foncé. Dessus était écrit en lettres dorées : "Martin et Ellie". Intrigué, le jeune homme ouvrit l'ouvrage, et fut saisi de stupeur lorsqu'il vit ce qu'il contenait. Des photos. Des centaines de photos de lui et d'une jeune fille plus âgée que lui. Ils semblaient très complices, et se souriaient sur chacun des clichés. Commençant à comprendre, il dit d'une voix faible à Jess qui se trouvait à quelques pas de lui, une petite sculpture à la main :
_ Tu pourrais me laisser seul un petit moment s'il te plaît Jess ?
Sans poser de questions, la jeune femme obtempéra et sortit de la pièce pour se diriger dans ce qui semblait être une chambre d'adolescente. Sans vraiment faire attention à ce fait, la jeune fille entra, et s'assit sur le lit. Mais elle sentit quelque chose de dur lorsqu'elle s'y posa. La lycéenne se releva alors et souleva la couverture pour trouver un carnet gris et mauve fermé par un minuscule cadenas argenté. Elle s'apprêtait à l'ouvrir lorsque des cris provenant du salon la firent se lever instantanément. Sans réfléchir, elle fourra prestement le carnet dans son sac à main et se précipita vers la source des cris.
Elle trouva Jacob assis sur le canapé, un album photo devant lui. Il se tenait la tête, et ses yeux étaient exorbités. Il criait :
_ Ellie, non ! Non ! Tu sais que tu es ma sœur et que je t'aime ! Stop ! Non ! Ellie, ne fais pas ...
Mais il ne put finir sa phrase. Il tomba en un grand fracas sur le sol, inconscient, devant les yeux de Jess, affolée...

Publié dans Amnesie

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